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Story Killers

De l’Arabie Saoudite à des influenceuses américaines pro-Trump : le trajet improbable d’une opération de « Hack and Leak »

Aux Etats-Unis, des influenceuses ont ciblé en ligne une célèbre journaliste d’Al Jazeera. L’une d’entre elles, qui fait actuellement l’objet d’une enquête du FBI, aurait été payée par un prince saoudien pour ses tweets via un intermédiaire en Suède, possiblement pour contourner la loi américaine. D’autres, actives en tant qu’avocate, consultante ou encore journaliste, ont de possibles liens d’intérêt avec des entités étrangères.

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Par Karine Pfenniger

16 février 2023

Reportage additionnel : Audrey Travère pour Forbidden Stories et Holger Stark (Die Zeit). Linda Kakuli (SVT) a contribué aux entretiens et aux recherches.

Floride, 9 juin 2020. Sharon Van Rider, qui manie plusieurs comptes Twitter suivis par des centaines et des milliers de followers, retweete la photo d’une femme dans un jacuzzi. L’image, piratée d’un téléphone et leakée sur le réseau social, manipulée dans certains cas pour suggérer la nudité, devient rapidement virale. Des milliers d’utilisateurs affiliés à l’Arabie saoudite la retweetent, proférant des insultes misogynes à l’encontre de la femme. La cible de cette attaque ? La journaliste d’Al-Jazeera Ghada Oueiss, dont la célèbre émission diffusée en prime time propose des entretiens incisifs avec des spécialistes du Moyen-Orient.

Durant les mois qui suivent, la même Sharon multiplie les attaques en ligne contre la journaliste, la traitant de « menteuse », affirmant qu’elle s’est « vendue à des terroristes pour obtenir une histoire » et qu’elle travaille pour « une chaîne diffusant de l’antisémitisme », tout en faisant publiquement l’éloge de Mohammed ben Salmane (MBS), le prince héritier d’Arabie saoudite.

« C’était étrange qu’une citoyenne américaine, qui ne parle pas arabe […], qui ne me connaît pas […] tweete à mon sujet jour et nuit », s’est interrogé Ghada Oueiss lors d’un entretien avec Forbidden Stories.

En janvier 2022, le journal allemand Die Zeit a révélé que la twittos américaine avait été payée pour ses tweets pro-saoudiens. Et qu’elle n’était pas la seule aux Etats-Unis à cibler la journaliste sur la plateforme en ligne. Un groupe d’une petite dizaine de militantes pro-Trump, auquel Sharon Van Rider appartenait, a attaqué la journaliste d’Al-Jazeera en ligne après une rencontre entre cette dernière et un prince saoudien, Sattam bin Khaled al-Saoud, à Dubaï en avril 2019.

Des documents officiels obtenus par Forbidden Stories et ses partenaires révèlent aujourd’hui que le FBI, le Bureau fédéral d’enquête américain, a ouvert une enquête sur les activités de Sharon Van Rider en raison de soupçons de violation de la loi fédérale américaine. Dans un témoignage sous serment et en présence d’avocats allemands en 2022, Sharon Van Rider a déclaré qu’elle avait été payée par un intermédiaire du prince Sattam al-Saoud, dans le but de contourner le Foreign Agents Registration Act (FARA). Cette loi américaine exige de toute personne se trouvant aux États-Unis et travaillant à influencer l’opinion américaine pour le compte d’un agent public étranger, tel qu’un prince saoudien, de s’enregistrer auprès du ministère de la justice américain et de transmettre des rapports sur ses activités. (Une personne présente lors de l’audition, qui souhaite garder l’anonymat, a confirmé auprès de Forbidden Stories les déclarations de Van Rider.)

Sollicitée par Forbidden Stories, Sharon Van Rider n’a pas voulu commenter. Le FBI et le ministère de la justice américain n’ont pas répondu à nos questions.

Le prince Sattam bin Khaled al-Saoud. (Photo: Facebook)

L’influence de Sattam al-Saoud aux États-Unis pourrait s’étendre au-delà du groupe de militantes pro-Trump ayant attaqué Ghada Oueiss, à en croire le témoignage de Sharon Van Rider (qui a par le passé changé sa version des faits sur cette histoire). Devant les avocats allemands, cette Américaine résidente à Miami a affirmé que le prince saoudien aurait versé environ 175 000 dollars en espèces par l’intermédiaire d’un agent à un citoyen américain proche des cercles de droite, lors d’une réunion à Miami à laquelle elle dit avoir assisté en 2019. L’argent aurait notamment été destiné à financer un « projet média » ou « projet Twitter » du prince incluant les attaques en ligne contre la journaliste Ghada Oueiss. Contactés à ce sujet, Sharon Van Rider a décliné tout commentaire et le prince Sattam al-Saoud n’a pas répondu.

Ce n’est pas la première fois que des influenceurs sont payés pour se livrer à de la désinformation ou à des attaques en ligne mais les experts ont encore du mal à les définir, même si le terme « mercenaires » s’impose de plus en plus dans le monde de la recherche. Selon le Dr. James Forest, professeur à université du Massachusetts Lowell et auteur du livre Digital Influence Mercenaries (« Les mercenaires de l’influence numérique », non traduit en français), les « mercenaires de l’influence numérique » représentent un domaine en pleine expansion qui répond à une demande mondiale. « Cela remonte à ce que les mercenaires ont toujours été dans la guerre. Ils se battent essentiellement pour le compte de ceux qui les paient », a-t-il déclaré à Forbidden Stories, tout en soulignant que Sharon Van Rider et les autres militantes pro-Trump pouvaient également avoir des motivations idéologiques.

Le fait que des États comme l’Arabie saoudite puissent utiliser les services de mercenaires de l’influence étrangers n’est « pas une surprise » pour l’expert, car la Russie, la Libye et l’Iran ont utilisé des citoyens locaux pour tenter d’amplifier leurs récits à l’étranger.

Pour Marc Owen Jones, professeur associé d’études sur le Moyen-Orient à l’université Hamad bin Khalifa au Qatar et expert en désinformation numérique, l’implication d’Américaines dans une campagne de harcèlement menée par des Saoudiens semble logique. « Du point de vue de la désinformation, c’est une chose d’utiliser des bots et des trolls, mais si vous pouvez faire en sorte que les Américains absorbent organiquement les éléments de langage saoudiens, puis les reproduisent dans leurs propres réseaux de médias sociaux, alors en théorie, ces éléments de langage pourraient ensuite devenir viraux parmi la communauté républicaine en ligne », a-t-il expliqué. Le chercheur, qui a étudié les attaques en ligne contre Ghada Oueiss, a néanmoins précisé que cette stratégie lui semble avoir été « mal exécutée » dans le cas de cette campagne.

Pendant plus de six mois, dans le cadre du projet « Story Killers », Forbidden Stories a enquêté sur l’univers des influenceurs du numérique qui attaquent les journalistes en ligne et s’engagent dans des campagnes d’influence à la demande d’acteurs étrangers. Ce projet, qui poursuit le travail de la journaliste indienne Gauri Lankesh, est une enquête collaborative internationale sur les mercenaires de la désinformation avec plus de 100 journalistes et 30 médias dans le monde. Outre le groupe de militantes pro-Trump dont Sharon Van Rider a fait partie, nous avons identifié deux professionnelles de l’influence aux États-Unis impliquées dans des attaques contre Ghada Oueiss, et qui pourraient avoir des liens d’intérêt avec des entités étrangères.

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Sharon Van Rider. (Photo: Facebook)

Difficile pour les autorités d’identifier celles et ceux qui publient en ligne pour le compte de recruteurs étrangers, car ces petites mains sont souvent payées par des intermédiaires qui sont pour Ghada Oueiss « le vrai problème », car « si ce n’était pas [Sharon Van Rider], ce serait n’importe qui d’autre », a déclaré la journaliste au consortium Forbidden Stories. « Si elle s’arrête, quelqu’un d’autre commencera. »
 
L’enquête que nous avons menée a permis de retrouver la trace de l’homme qui aurait payé Sharon Van Rider pour le compte du prince saoudien, un consultant libanais installé en Suède et lié à l’Arabie saoudite.

De Dubaï à la Suède : sur les traces du financement d’une campagne de haine en ligne

Un samedi d’avril 2019, Sharon Van Rider participe à un dîner pour le moins inhabituel. Au pied d’un hôtel cinq étoiles de 35 étages situé dans le centre de Dubaï, dans l’extravagant Billionaire Club, elle dîne avec le prince saoudien Sattam bin Khaled al-Saoud, selon son témoignage et des billets d’avion obtenus par Die Zeit, un membre du consortium. A la table sont également présents deux strip-teaseuses russes, un représentant de Saoud al-Qahtani – un proche de MBS qui aurait supervisé le meurtre du dissident saoudien Jamal Khashoggi et été à la tête d’une armée de trolls Internet pour le compte du régime saoudien – et deux représentants de la société de cybersécurité DarkMatter, selon le témoignage de Sharon Van Rider et plusieurs conversations téléphoniques enregistrées par l’influenceuse américaine et obtenues par le consortium.

A table, il est question de la journaliste Ghada Oueiss, que les convives accusent d’attaquer MBS, explique l’Américaine dans son témoignage. Le prince saoudien, le représentant d’al-Qahtani et les employés de DarkMatter discutent de la manière de la discréditer ; à la demande du prince, il est convenu que DarkMatter piratera son téléphone. (Sollicité par Forbidden Stories, le PDG d’alors de DarkMatter, Karim Michel Sabbagh, a déclaré que DarkMatter n’était pas impliqué dans un tel piratage et qu’une telle discussion était « incompatible avec et inacceptable pour la mission de la société ». Sattam al-Saoud a lui nié avoir discuté d’un piratage du téléphone de Ghada Oueiss ce soir-là et Sharon Van Rider a décliné tout commentaire.)

Jerry Maher. (Photo: Facebook)

Le lendemain, Sattam al-Saoud expose à Sharon Van Rider un « projet média », selon le témoignage de l’Américaine. Le prince lui explique qu’il financera le projet et qu’un certain Jerry Maher la contactera pour lui préciser les prochaines étapes. Des reçus PayPal obtenus par le consortium montrent qu’entre novembre 2019 et mars 2020, ce dernier a transféré au moins quatre versements de 2 500 dollars chacun à Sharon Van Rider. (Sattam al-Saoud a démenti avoir payé Sharon Van Rider et embauché Jerry Maher ; ce dernier a déclaré ne pas se souvenir de ces virements et a démenti avoir payé Sharon Van Rider au nom du prince ; Sharon Van Rider a décliné tout commentaire.)

L’enquête de Forbidden Stories a permis de confirmer les liens de Jerry Maher avec l’Arabie saoudite, des liens plus anciens que ces virements. Connu également sous son nom de naissance Daniel Ahmad El Ghoch, Jerry Maher a été un temps présentateur d’une chaîne de télévision saoudienne. PDG de Sawt Beirut International, un média libanais qui se serait associé à un empire médiatique saoudien en 2021 selon la presse locale, Jerry Maher est le conseiller média de Bahaa Hariri, un milliardaire saoudo-libanais proche du régime saoudien, dont le père Rafiq et le frère Saad ont tous deux été premiers ministres du Liban.

En 2010, Jerry Maher a quitté le Liban pour s’installer en Suède, où les autorités lui ont accordé le statut de personne protégée. Ce statut, réservé aux personnes menacées, permet de garantir le secret de leurs informations personnelles telles que leur adresse. Contactées par Forbidden Stories, les autorités suédoises ont confirmé que Jerry Maher bénéficie toujours de ce statut, mais ont refusé de répondre à d’autres questions en raison du secret des informations qu’implique ce statut.

Or, alors qu’il bénéficiait de cette protection particulière, Jerry Maher a publiquement attaqué des critiques du régime saoudien en ligne, comme le révèlent des archives Twitter (ces tweets ayant depuis été supprimés). En 2018, après l’assassinat de Jamal Khashoggi par des agents saoudiens au sein même du consulat d’Arabie saoudite à Istanbul, l’intermédiaire libanais utilise les réseaux sociaux pour menacer ceux qui enquêtent sur le meurtre, écrivant sur Twitter qu’ils « brûleraient en enfer ». En janvier 2019, dans une diatribe adressée au fondateur d’Amazon et propriétaire du Washington Post Jeff Bezos retweetée et likée plus d’un millier de fois, il écrit : « Si vous vous faites l’ennemi de l’Arabie Saoudite, vous serez détruit, décrié et éliminé par Dieu. » Suite à d’autres attaques en ligne, l’intermédiaire a par ailleurs fait face à une action en justice en Suède (soldée par une procédure de conciliation) et, selon la presse libanaise, plusieurs procès au Liban. Jerry Maher n’a pas répondu à nos questions portant sur son activité sur Twitter et a déclaré que la plupart de nos allégations étaient fausses.

Pour Ghada Oueiss, avec qui le consortium a partagé ces éléments, l’implication de Jerry Maher dans les attaques dont elle a été victime est une surprise puisqu’elle connaît le Libanais, qu’elle a invité à plusieurs reprises dans son émission à Al-Jazeera, où il représentait la voix du régime saoudien.

Lors de notre entretien avec la journaliste, un détail la frappe cependant. En février 2019, invité dans son émission, Jerry Maher a défendu la position de l’Arabie saoudite sur le meurtre de Jamal Khashoggi, affirmant que le Royaume traitait l’affaire de manière « responsable ». Plus tard pourtant, dans les coulisses, il aurait déclaré à la présentatrice qu’il pensait que MBS avait ordonné le meurtre, selon les souvenirs de Ghada Oueiss, qui en conclut : « Il est capable d’être le porte-parole d’une dictature. Il est capable de faire n’importe quoi pour vous si vous le payez ». Confronté à ces allégations, Jerry Maher a fermement démenti avoir tenu ces propos.

Jerry Maher et Ghada Oueiss sur le plateau d’Al Jazeera. (Capture d’écran: YouTube)

Pour Ghada Oueiss, le meurtre de Jamal Khashoggi a été un avertissement à tout journaliste critique du régime saoudien, et surtout une menace directe. « Peut-être que ce qu’ils ont fait à [Jamal] Khashoggi m’arriverait à moi, parce qu’ils l’ont attaqué sur les médias sociaux et ensuite ils l’ont tué », a-t-elle déclaré à Forbidden Stories.

Ghada Oueiss considérait Jamal Khashoggi comme son mentor. En 2018, quelques mois à peine avant son assassinat, le dissident lui avait conseillé de bloquer et d’ignorer « l’armée des mouches », le réseau saoudien de comptes Twitter automatisés développé avec l’aide de Saoud al-Qahtani, qui les visait tous deux.

Lorsque les attaques en ligne avec une photo d’elle dans un jacuzzi ont commencé, en juin 2020, la présentatrice a choisi une autre approche. Dans le Washington Post, le journal où écrivait Jamal Khashoggi, elle a publié un éditorial dont le message était contenu dans le titre : « Je suis une femme journaliste au Moyen-Orient. Je ne me laisserai pas réduire au silence par des attaques en ligne ».

Aux Etats-Unis, le groupe des militantes pro-Trump a rapidement riposté à cette tribune. Au cours de l’enquête, Forbidden Stories a identifié deux professionnelles de l’influence aux États-Unis qui ont également participé aux attaques contre Ghada Oueiss et qui pourraient avoir des liens d’intérêt avec des entités étrangères.

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Attaques en lignes et services de conseil

Journaliste d’origine libanaise basée à Washington D.C., Maria Maalouf aurait fait partie du « projet média » et aurait été financée par Sattam al-Saoud, selon le témoignage de Sharon Van Rider devant des avocats allemands. Selon l’Américaine, la journaliste était par ailleurs au courant que le rôle d’intermédiaire de Jerry Maher visait à contourner les règles américaines. A en croire son profil Twitter, Maria Maalouf serait également coprésidente de Prolific Solutions, une société de conseil américaine qui prétend travailler avec des gouvernements étrangers. Ni Maria Maalouf, ni Prolific Solutions n’apparaissent dans le registre FARA, la base de données publique sur les individus et entreprises déclarés auprès des autorités au nom de cette loi, ce qui pourrait suggérer une possible violation de la loi fédérale américaine. Maria Maalouf, Prolific Solutions et le ministère de la justice américain n’ont pas répondu à nos sollicitations. Jointe via le numéro de téléphone indiqué sur le site web de l’entreprise, une femme se présentant comme une ancienne employée a affirmé que Prolific Solutions n’existait plus. Sattam Al-Saoud a démenti avoir payé Maria Maalouf.

Dans des vidéos, des articles d’opinion et des apparitions à la télévision, Irina Tsukerman relaie fréquemment des récits proches de ceux des gouvernements d’Arabie saoudite, des Émirats arabes unis, du Maroc, de l’Azerbaïdjan et d’Israël. Par le biais de sa société américaine Scarab Rising, l’avocate offre également des services de « guerre informationnelle » « offensive » et « défensive ». A New York en 2018, elle participe à une conférence de la Ligue islamique mondiale organisée par une société américaine de relations publiques pour le compte de la Saudi American Public Relation Affairs Committee (SAPRAC), un groupe de lobbying pro-saoudien.

Ses activités la mènent aussi dans les arcanes de la politique et de la diplomatie internationale. Aux côtés d’une mystérieuse ONG yéménite, la Yemeni Coalition of Independent Women (YCIW), Irina Tsukerman plaide au Conseil des droits de l’homme de l’ONU. Et au cours de l’été 2022, elle accompagne l’ONG à Washington pour convaincre des élus du Congrès de réintégrer sur la liste des organisations terroristes étrangères aux Etats-Unis les rebelles Houthis, largement considérés comme étant soutenus par l’Iran, un rival connu de l’Arabie saoudite.

Irina Tsukerman à la conférence de la Ligue islamique mondiale à New York en 2018. (Capture d’écran: YouTube)

« Cette ampleur d’activité est précisément ce que le ministère de la justice américain voudrait probablement examiner […] pour déterminer s’il est nécessaire ou non de s’enregistrer [en vertu de FARA] et s’il y a eu ou non une violation de la loi », a déclaré à Forbidden Stories Joshua Ian Rosenstein, un avocat spécialiste de FARA. Ni Irina Tsukerman ni sa société ne figurent dans le registre public FARA.

Contactée par Forbidden Stories, Irina Tsukerman a déclaré ne pas relayer les récits des gouvernements et avoir sa propre voix. Questionnée sur sa participation aux rencontres de la mystérieuse ONG yéménite avec des politiciens américains, elle a affirmé ne pas être soustraite aux obligations relatives à FARA. La dirigeante de l’ONG, Wesam Basindowa, a quant à elle déclaré ne pas connaître FARA. Le ministère de la justice américain ne nous a pas répondu.

Ghada Oueiss n’est pas la seule personne qu’Irina Tsukerman a attaquée en ligne. L’avocate, qui est titulaire d’un diplôme de droit de la prestigieuse université de Fordham à New York, a insulté plusieurs critiques du régime saoudien sur Twitter, comme le montrent des archives de la plateforme (le compte Twitter d’Irina Tsukerman a été définitivement suspendu en 2022). Dans les médias, sa position vis-à-vis de Riyad questionne. Après le meurtre de Jamal Khashoggi, l’avocate a publiquement remis en question le travail d’enquêteurs indépendants et défendu le prince héritier MBS.

Questionnée sur ces prises de positions, Irina Tsukerman a déclaré qu’elle critiquait également le gouvernement saoudien en ligne et qu’elle avait une position différente de celle de Riyad sur le meurtre de Jamal Khashoggi.

Pour Marc Owen Jones, l’expert en désinformation qui a étudié les attaques en ligne contre Ghada Oueiss, il y aura toujours un espace dans le paysage numérique pour les personnes prêtes à défendre l’indéfendable – ou être « le chien d’attaque ». Il existe un réel marché pour quelqu’un qui n’a « pas peur de dire n’importe quoi et d’être enregistré » mais qui a aussi « des qualifications d’une bonne université », a-t-il déclaré au sujet de l’avocate.

Sur Twitter, les attaques en ligne contre Ghada Oueiss n’ont pas cessé. Aujourd’hui, la journaliste les bloque mais à une époque, elle aurait voulu disparaître de la scène publique et quitter le journalisme.

« C’est une nouvelle façon de tuer virtuellement les journalistes, en les réduisant au silence. Au lieu de payer quelqu’un pour vous assassiner physiquement, vous payez quelqu’un pour vous assassiner virtuellement à travers les médias sociaux. Vous tuez le personnage », a déclaré Ghada Oueiss. « Au lieu de tuer le corps, vous tuez les mots, vous tuez les questions. »

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