Le long de la rivière Mataje, la loi du silence règne

Située dans une des régions qui comptent le plus de champs de culture de coca au monde, Mataje,rivière limitrophe entre l’Équateur et la Colombie, est une des principales voies d’acheminement de la drogue vers les pays du Nord. Sur les rives de ce cours d’eau entouré d’une végétation exubérante se cachent laboratoires de drogue et stocks d’armes. Délaissée par les Etats Colombien et Équatorien, la population doit cohabiter avec le trafic de la drogue, et se taire pour survivre.

 

Habitués à se taire

Mataje Nuevo est un petit village qui vit en silence. Nous sommes début août. Les rues sont désertes. Malgré la chaleur étouffante, les portes et les fenêtres des maisons restent fermées. Le restaurant La Fronterita – le seul de la rue goudronnée du village – est vide, à l’image du centre sportif. Seuls les cris et les rires des enfants qui jouent dans la cour de récréation de l’école Ma Patrie brisent la léthargie de cette communauté du bord de la rivière Mataje, frontière naturelle qui sépare l’Équateur de la Colombie sur 28 kilomètres. Le cours d’eau est une des principales routes d’acheminement de drogue de l’Amérique du Sud vers l’Amérique centrale et l’Amérique du Nord.

C’est dans ce petit village que les trois employés du journal El Comercio ont disparu au matin du 26 mars 2018. L’équipe de journalistes a été enlevée et assassinée par un groupe de guérilleros dissidents des Forces armées révolutionnaires de Colombie (FARC) commandé par Walther Arizala, alias « El Guacho ».

 

Patrouille de militaires équatoriens examinant la demande de notre groupe de pénétrer dans Mataje. C’est la première fois que des journalistes entrent dans le village depuis l’enlèvement et l’assassinat de l’équipe d’El Comercio. Photo: Edu León / Periodistas Sin Cadenas

 

Depuis, quiconque veut aller à Mataje – qu’il soit journaliste, médecin, professeur ou même fonctionnaire – ne peut le faire qu’accompagné de l’armée. Les visites dérangent les villageois : lors de celles-ci, ce village habituellement muet s’anime.

Le 1er août, pour la première fois en plus de quatre mois, une équipe de quatre journalistes de notre équipe s’est  rendue à Mataje. Il a fallu qu’elle soit accompagnée d’un convoi composé de cinq camionnettes et une jeep, précédées d’un camion HOWO et de 20 soldats armés de fusils d’assaut HK. Un groupe d’agents en civil vêtus de gilets pare-balles a filmé le parcours. Le convoi est parti d’une base navale située dans la ville de San Lorenzo.

Pendant la visite, qui a duré 20 minutes, les agents ont utilisé un drone qui a survolé la zone pour éviter les mauvaises surprises. Les véhicules ont été garés près d’un centre de santé. Le personnel médical, chargé de soigner les personnes malades de la communauté, est escorté jusqu’au centre par des militaires et des policiers.  

Le colonel Milton Rodríguez, des Forces Armées d’Équateur (Fuerza de Tarea Conjunta de las Fuerzas Armadas), dirige cette visite à Nuevo Mataje. Cette zone, la plus récente du village, a été inaugurée en 2006. Elle est constituée de logements donnés par le gouvernement équatorien. C’est précisément à cet endroit que Paul Rivas, Efraín Segarra et Javier Ortega ont été enlevés.

Le 20 mars, quatre soldats y avaient été tués dans un attentat. Après cette tragédie, le centre de santé a été fermé pendant plus de deux mois. A sa réouverture début juillet, une médecin, Eliana Horta, a soigné un blessé par balle, mais personne n’a parlé des circonstances de l’attaque. Pendant notre visite en août, le colonel Rodríguez n’a permisqu’une courte marche le long de la route adjacente au centre de santé. Le trajet s’est terminé sur le chemin de terre menant à Mataje Viejo, où une patrouille militaire se préparait à entrer dans la jungle pour une mission de huit jours.

« Pourquoi enregistrez-vous? Ne me filmez pas ! » crie une femme en se couvrant le visage dès qu’elle aperçoit les caméras. Un jeune homme portant un bébé dans le bras ignore les salutations du colonel Rodríguez et traverse la rue. Deux hommes portant des bottes et travaillant sur le terrain de sport ignorent également le militaire. « On peut s’arrêter ? » demande un cameraman devant l’unique bâtiment en béton dans le village. « Non ! », répond Rodríguez.

Cette maison à deux étages aux fenêtres teintées, protégée par une porte métallique, contraste avec les autres maisons du quartier, plus modestes. Elle appartient à la mère d’El Guacho. L’homme est le chef du Front Óliver Sinisterra (FOS), le groupe qui a séquestré et assassiné l’équipe d’El Comercio, ainsi qu’Oscar Villacís et Katty Velasco, un couple enlevé dans la même zone. À l’heure actuelle, personne ne sait où se trouve El Guacho. Le gouvernement colombien a annoncé qu’il avait été blessé dans un affrontement. Quelques jours plus tard, le Ministère colombien de la Défense a admis qu’il n’était pas en mesure de confirmer cette version.  

 

La maison de la mère d’El Guacho à Mataje, qui a été perquisitionnée le 16 mars 2018. Photo: Periodistas Sin Cadenas

 

Le 16 mars 2018, quand des agents ont fouillé cette maison aux escaliers en métal et aux sols en carreaux, ils ont saisi deux ordinateurs dans lesquels ont été trouvées des lettres échangées entre El Guacho et Gentil Duarte, chef du premier front des FARC. Dans une de ces lettres, Duarte écrit à El Guacho qu’il doit « continuer à forger une vraie armée révolutionnaire des FARC-EP, car l’objectif est toujours valable, aujourd’hui plus que jamais ». Dans la maison a aussi été trouvée une plaque métallique où était inscrit le nom d’Arizala Vernaza Juan Gabriel, un frère d’El Guacho arrêté en Colombie, une caméra de video surveillance Hikvision et un livre : Je n’ai pas eu de jouets, mais un fusil. D’enfant guérillero à instructeur militaire, de Carlos Castaño. La couverture montre un enfant en uniforme militaire, armé. Le livre raconte l’histoire d’un garçon de 12 ans recruté par les FARC. Il gravit les échelons jusqu’à avoir 5 000 paramilitaires sous ses ordres.

 

Des femmes de Mataje lavent leur linge sous le regard des militaires. Photo: Periodistas Sin Cadenas

 

En ce jour de début août, sur le bord de la route, un groupe de femmes blanchit son linge dans un ruisseau. Aucune ne répond aux salutations. Seul le bruit du linge frotté contre les planches en bois se fait entendre. Tout le monde ici semble savoir que s’il y a des journalistes, c’est que les militaires ne sont pas loin.

Dans Mataje Nuevo, les rares passants fuient les soldats et les caméras. Alors que la camionnette tourne et prend la rue qui se trouve derrière la maison en béton, une femme assise sur un banc en bois, fait un vif geste de la main, comme pour dire : « partez ! ». Sur la route, on observe aussi une maison avec les portes ouvertes, vide. Seul un chien s’y balade. Un peu plus loin, une autre femme, sans regarder le convoi, dit quelque chose d’inintelligible sur un ton grincheux. Un homme, qui balaye devant sa maison, tourne le dos.

Il n’y a pas de plantations de coca du côté équatorien, mais le trafic touche bel et bien les deux côtés de la frontière. Partout, la règle est la même : pour rester en vie, il faut observer et se taire.

Au sud-ouest de la Colombie – notamment dans les départements de Nariño y Putumayo – se trouvent les régions du pays où les plantations de coca sont les plus nombreuses. À Tumaco, sur la rive colombienne de Mataje, 19 517 hectares sont destinées à la culture de coca, soit 11% de la superficie de la zone. Vue du ciel et sur les cartes satellites, on remarque les cicatrices qu’ont laissé l’abattage des forêts, destiné à faire de la place pour la culture de coca.

Quelques minutes après l’arrivée de notre équipe, de la musique reggaeton se fait entendre à plein volume. Le son provient de l’une des maisons du village. « C’est comme cela qu’ils préviennent l’autre côté que nous sommes ici », explique un soldat. Il précise que parfois, des tronçonneuses sont allumées pour donner l’alerte. Les militaires qui accompagnent le groupe se pressent de finir la visite.

 

Des militaires se prennent en photo sur le pont qui sépare l’Equateur et la Colombie. Photo: Periodistas Sin Cadenas

 

Le convoi repart rapidement par la même rue qu’à l’aller, puis s’arrête un moment sur le pont entre les deux pays. Côté colombien, le pont ne mène qu’à la jungle. La Colombie n’a pas encore construit sa partie de la route. Sur ce pont qui n’amène « nulle part », les militaires se prennent en photo. Brandissant son pistolet, le colonel Rodríguez ordonne à tout le monde de repartir.

 

La frontière perdue

À 700 mètres de Nuevo Mataje se trouve Mataje Viejo. Pour y arriver, il faut prendre un chemin de terre caché derrière les buissons. Le 20 mars 2018, sur cette route, une patrouille militaire a été la cible d’une attaque à la bombe artisanale, activée par des câbles électriques. Les militaires Luis Alfredo Mosquera Borja, Jairon Estiven Sandoval Bajaña et Sergio Jordán Elaje Cedeño ont été tués. Quinze jours plus tard, le soldat Wilmer Álvarez Pimentel est décédé de ses blessures. Depuis, l’accès à Mataje a été restreint : seul les habitants du secteur peuvent entrer dans le village.

Lors de notre première visite le 12 juin 2018, notre équipe a dû passer deux check point : le premier, contrôlé par des policiers et des militaires, le deuxième, par des militaires en uniforme qui se relayaient pour contrôler les véhicules, installés dans une structure rudimentaire faite de bâtons de bois et couverte d’un toit en plastique. À côté, près d’une petite colline, se trouve une base de la Marine dont l’accès est interdit aux civils.

 

Contrôle militaire à l’entrée de Mataje. Les entrées et les sorties du village sont contrôlées par l’armée équatorienne depuis la mort de 4 militaires le 20 mars 2018. Photo: Periodistas Sin Cadenas

 

Ainsi, les militaires surveillaient, approuvaient ou refusaient l’accès. La circulation était régulièrement interrompue par des rubans jaunes, un cône de signalisation et un panneau « stop ». Quand notre équipe a demandé la permission de prendre des photos, un soldat a transmis notre demande par radio, bien que son travail consistait uniquement à enregistrer les noms des personnes entrant dans la zone.

Le 15 août, notre équipe effectue un nouveau voyage dans la région, sans escorte. Les autorités militaires ont assuré qu’il n’y avait plus de danger. Cependant, en arrivant au barrage de la Marine, les trois militaires du poste de contrôle deviennent pâles quand ils réalisent que nous ne sommes pas des habitants du secteur. « Vous vous mettez en danger ! » crie l’un des militaires à une journaliste.

Lors des contrôles suivants, les soldats demandent un laissez-passer et expliquent le danger de la zone, en raison du grand nombre de petits chemins qui mènent à des villages éloignés. « Vous devriez disposer d’une protection militaire et policière ! », insistent-ils. Le même jour, Rito Jayro R., alias « Lanchero », l’un des lieutenants d’El Guacho dans cette zone, a été capturé.

Ce n’est pas la première fois que l’accès à Mataje est aussi restreint. Des chroniques d’il y a quatorze ans racontent qu’au même point de contrôle, des chaînes en acier barraient la circulation. L’ancien chemin de terre est devenu une route de goudron. Depuis plusieurs années, le petit village équatorien de Mataje vit dans la peur.

 

Les groupes armés et les narcotrafiquants contrôlent la rivière, sur laquelle ils transportent armes et drogue. Photo: Periodistas Sin Cadenas

 

Février 2001. Un autre mois tragique à Mataje. Le responsable politique de cette région, Milton Guerrero Segura, est assassiné avec ses deux fils, trois frères, un cousin et deux amis. Les corps ont été retrouvés dans la rivière Mataje et ses alentours, les doigts étaient mutilés, le thorax ouvert et criblés d’impact de balles.

Selon la police, il s’agissait d’un règlement de comptes des narcotrafiquants. Peu de temps auparavant, Guerrero Segura avait ordonné une saisie de drogue et, d’après la presse, en avait gardé une partie. Les auteurs du crime opéraient sur les berges de Mataje. Les autorités ont désigné comme responsables les narcotrafiquants colombiens, sans préciser à quel groupe ils appartenaient. Les assassins, eux, ont envoyé un message par le biais d’un témoin de l’enlèvement : « C’est une leçon pour vous apprendre que personne ne peut nous toucher ». Les corps ont été récupérés par les familles des victimes dans un territoire où les autorités judiciaires, apeurées, ne s’aventurent pas.

Voilà des décennies que les alentours de la rivière sont une zone de conflit. La plupart des témoignages proviennent du territoire équatorien car la population y est plus importante. En 2010, Mataje comptait 1 475 habitants. Neuf communautés vivent au bord de la rivière. La plus grande est Mataje Nuevo. Jairo Arizala, secrétaire du Conseil Cantonal de Protection des Droits de San Lorenzo, explique que la population a augmenté en raison de la migration des Colombiens. La mise en œuvre du Plan Colombie, qui avait pour objectif de réduire la production de drogue, a plongé la région dans la violence. En 2001, San Lorenzo comptait 28 180 habitants; en 2010, il sont 42 486. Dans les archives, on trouve également des informations sur le massacre de 45 paysans équatoriens et colombiens en 2003.

Historiquement, plusieurs groupes illégaux – tels que les Rastrojos, les Águilas Negras (les Aigles Noirs) – et des membres des FARC sont présents dans la région de Mataje. Le Front Oliver Sinisterra (FOS), un des groupes dissidents des FARC créés récemment, appartenait à la « colonne » du Front Daniel Aldana, qui opérait dans ce territoire frontalier avec l’Équateur. Le terme de « colonnes » désigne les groupes de combattants qui disposent d’une autonomie tactique et opérationnelle, et qui n’obéissent pas directement à la hiérarchie des FARC. De nombreux membres de cette structure n’ont pas participé au processus de paix.

 

Les communautés de la zone voient leur quotidien impacté par le conflit. Les habitants de Ricaurte sont mal à l’aise depuis l’arrestation de 5 d’entre eux, accusés de collaborer avec El Guacho. Selon les autorités, ces personnes aidaient le groupe armé dans ses communications. Les proches des accusés nient tout lien avec “El Guacho”. Photo: Periodistas Sin Cadenas

 

Le FOS est l’un des groupes installés à Tumaco, près de la frontière avec l’Équateur. Ce groupe dispute le contrôle du trafic de drogue aux Guérillas Unies du Pacifique et à l’Armée de Libération Nationale, d’après un rapport de la Fondation Idées pour la Paix de Colombie publié en août 2018. Selon ce rapport, les Autodéfenses Gaitanistas de Colombie et des gangs criminels tels que Gaula NP et Las Lágrimas (Les Larmes), sont également présents dans la région.

Ces groupes opèrent en liaison avec les grands cartels de la drogue mexicains, comme le Cartel de Sinaloa, le cartel Jalisco Nueva Generación et le Cartel del Golfo, assure Fernando Carrión, spécialiste des questions de sécurité. Il décrit ces organisations internationales illégales comme des « holdings ». Elles recrutent des groupes locaux pour la culture, la production et le transport de la drogue, explique ce chercheur équatorien. Après la signature de l’accord de paix, quand les FARC ont quitté ces territoires, l’Etat n’a pas pris leur place. Les groupes armés ont donc commencé à se battre pour le contrôle du territoire, ajoute-t-il.  

 

Zone de peur

À Tumaco, la peur est quotidienne. La plupart des personnes interviewées par une autre équipe de journalistes de notre coalition ont refusé l’enregistrement des interviews, par crainte de possibles représailles. Plusieurs sources signalent que si la population ne dénonce pas les crimes auprès du Parquet Général, c’est parce que les personnes qui ont osé le faire ont été menacées, assassinées, ou se sont vu obligées de partir. Ils assuré que des fonctionnaires partagent des informations avec les groupes armés et surveillent les personnes qui rentrent dans les locaux du parquet.  

« Non, je ne peux pas parler » est une phrase qui revient souvent dans cette municipalité colombienne. Les gens cherchent à se protéger, explique Anny Castillo, à la tête de l’autorité chargée de veiller au respect des droits de l’homme à Tumaco. « Dans de nombreux territoires de Tumaco où la situation est critique, les dirigeants s’installent dans d’autres villes et beaucoup de communautés restent orphelines », ajoute-t-elle.    

« On passe la journée dans la peur, on s’endort avec la peur ». C’est ainsi que José Silvio Cortés, coordinateur de la garde indigène Awá dans la zone du Alto Pianulpí, résume la vie à la frontière.

 

La population de Palma Réal est l’une des plus affectées par le conflit armé et le trafic de drogue. La proximité avec la Colombie et l’absence du gouvernement en font un point stratégique du trafic, comme le relatait le journaliste Javier Ortega dans ses articles. Photo: Edu León / Periodistas Sin Cadenas.

 

Les habitants des communautés frontalières souffrent également de la guerre pour le contrôle du trafic de cocaïne. Entre janvier 2017 et août 2018, les groupes armés illégaux ont entrepris 88 opérations, soit presque trois par semaine : affrontements, harcèlement des forces de l’ordre, attaques par mines anti-personnelles ou autres artefacts explosifs, déplacements forcés de populations. Quinze de ces opérations ont eu lieu du côté Équatorien de la frontière, d’après la Fondation Idées pour la Paix de Colombie. Le FOS serait le principal responsable de ces attaques.

Les enquêtes sur ces événements violents montrent l’implication du FOS et les conditions de vie difficiles des habitants. Un ex-membre du FOS a ainsi raconté au Parquet colombien que les rivières Mataje et Mira sont utilisées pour transporter de la cocaïne, des munitions et des provisions pour les groupes. Dans des embarcations à moteur, les narcotrafiquants transportent environ 600 kilos de cocaïne quatre fois par semaine, soit plus de 115 tonnes par an. À l’embouchure de la rivière, la drogue est transférée dans d’autres bateaux qui peuvent naviguer en haute mer.

Des deux côtés de la rivière, les groupes illégaux contrôlent le territoire. En Équateur, notamment à Mataje Nuevo, les narcotrafiquants stockent des armes dans des criques, assure un témoin. Les « cuisines », c’est à dire les laboratoires de transformation des feuilles de coca, se trouvent à Campanita (à 8 kilomètres de Mataje, en remontant la rivière). Des tueurs à gages circulent dans les villages les plus urbanisés comme San Lorenzo. C’est là que les narcotrafiquants s’approvisionnent en combustible et matériaux nécessaires pour fabriquer la cocaïne, explique un fonctionnaire de justice qui demande à rester anonyme.

En Colombie, en plus de cultiver la coca, les narcotrafiquants se rassemblent, notamment dans le village de La Balsa, situé à un peu plus de 2 kilomètres de Mataje. Ils y stockent aussi des armes, explique un autre guerrillero repenti. A Montañita et à Tumaco se trouvaient des camps où séjournait souvent El Guacho. Le chef du FOS, comme les autres dirigeants du groupe, a été aperçu un peu partout dans la région.

 

Un garçon pèse des feuilles de coca ramassées à El Tandil, dans la zone de Nariño, quelques semaines après l’assassinat de paysans qui manifestaient contre l’éradication de la culture de coca.

 

Le colonel Milton Rodríguez assure qu’il n’y a aucun groupe criminel sur le territoire équatorien. Lors de notre brève visite à Mataje Nuevo, le 1er août, le chef militaire a pointé plusieurs fois la Colombie du doigt. « En face, à la frontière, à une centaine de mètres, se trouvent les groupes armés criminels », a-t-il affirmé. Hors caméras et enregistreurs, un autre chef de la police le contredit : « La rivière Mataje n’est pas contrôlée. »

Depuis janvier 2018, la police et l’armée équatoriennes se sont rendues plusieurs fois à Mataje Nuevo pour arrêter des narcotrafiquants et perquisitionner les maisons de collaborateurs présumés du FOS. Dévora Ruiz et sa fille Sully Quiñónez ont été accusées de trafic d’armes. Pendant leur procès, le nom de Milton Guerrero Segura, le responsable politique de cette région assassiné il y a 17 ans, a resurgi. Pour se défendre, Ruiz a expliqué qu’il était son oncle : personne dans sa famille ne souhaite être lié aux groupes armés. Sa fille – qui a été blanchie par la justice – a déclaré : « Au village, nous sommes habitués à taire ce que nous voyons et ce que nous entendons ».