L’histoire inachevée de Javier

Peu avant de se rendre pour la dernière fois à la frontière entre l’Équateur et la Colombie, le journaliste Javier Ortega a été informé de l’existence de communications secrètes entre la police équatorienne et les cartels de la drogue. Il n’a jamais pu écrire sur ce sujet.

 

La carte de presse de Javier Ortega est le seul bien personnel à avoir été retrouvé à côté de sa dépouille, dans la forêt colombienne. Bien qu’elle soit un peu abîmée, sa famille la considère comme un trésor. Son père a eu l’idée de la laisser reposer dans le chlore pendant plusieurs jours afin d’éliminer l’odeur dont elle était imprégnée. Ce nettoyage lui a donné une pâleur mélancolique, mais on peut toujours voir le visage du journaliste et lire son premier prénom, Juan, comme on l’appelait dans la famille : Juan, Juanito, le plus jeune du foyer.

 

Les montages photographiques qui accompagnent ce texte rendent hommage aux trois journalistes assassinés à la frontière. S’y juxtaposent les objets qu’ils avaient lors de leurs reportages, les notes de Javier Ortega, et les photographies de Paúl Rivas. Leur objectif était de rendre compte de la réalité de l’une des zones les plus oubliées du pays.

 

La dernière fois que Galo Ortega a vu son fils, c’était le dimanche 25 mars, à deux heures de l’après-midi. « Je me sentais assez faible, je me suis tout juste levé pour lui donner une accolade. Ce sera toujours une douleur pour moi » regrette-t-il. « D’autres fois, je lui faisait de vraies accolades, lui donnait une bénédiction et une bise sur la joue ».

Le père du journaliste est resté allongé dans un fauteuil dans le salon de sa maison, souffrant, sans le savoir, de calculs biliaires. C’est de là qu’il a vu partir son fils. « Je me rappelle que la porte était ouverte et qu’il n’est pas revenu me voir, il est parti préoccupé, il m’a paru triste. »

Galo Ortega reverra son fils en compagnie de ses collègues qui l’accompagnaient, Paúl Rivas, et Efraín Segarra, dans une vidéo remise par le groupe dissident des FARC à la Police. Ils portent alors toujours les mêmes vêtements qu’à leur départ, mais sont déjà privés de leurs effets personnels. Au milieu ce qui semble être un champ de plantation de coca, Javier porte sa carte de presse autour du cou et dit qu’ils sont bien traités.

La dernière mission du journaliste d’El Comercio est une histoire qui se raconte en off. Les sources interviewées sur ce sujet font partie de l’enquête sur l’enlèvement et ont demandé l’anonymat. Les carnets et les articles du journaliste ont permis de la compléter.

 

 

C’était le troisième déplacement de Javier Ortega à la frontière depuis le début de l’année 2018. Dans ses précédents articles, il évoquait des embarcations rapides remplies de drogue, la présence de cartels mexicains, les attaques des dissidents des FARC et le silence, seule manière de survivre à la frontière. Mais Javier n’aura jamais pu publier une information qui aurait pu constituer un scoop : l’existence de communications secrètes entre la police équatorienne et le groupe de Walther Arizala, alias « El Guacho ».

 

La mission

Javier Ortega avait 32 ans. Il était entré comme stagiaire dans le quotidien local du groupe El Comercio et avait gravi les échelons jusqu’à la section Sécurité. Le narcotrafic et la frontière nord de l’Équateur faisaient partie de son quotidien. Depuis l’explosion d’une voiture piégée à San Lorenzo – une ville de 40 mille habitants à moins de 25 kilomètres de la frontière- en janvier 2018, Javier Ortega s’était proposé d’enquêter sur le tissu de relations complexes existant entre les criminels, les communautés défavorisées et l’Etat, qui constituent un facteur déstabilisant dans cette guerre sans fin.

 

 

Au cours de son dernier voyage, il était accompagné d’Efraín Segarra, un chauffeur de 60 ans, vétéran d’El Comercio. Depuis 2013, il avait cessé de travailler pour le quotidien, mais continuait à prêter sa camionnette au service de transport du journal. Il était très impliqué dans le travail journalistique : il possédait un appareil photo et faisait ses propres clichés, avec l’accord de ses collègues.

Le troisième membre de l’équipe était le photographe Paúl Rivas, 45 ans, autre vétéran du quotidien El Comercio. Il y a peu, il était devenu le photographe chargé de couvrir la frontière. Il s’y rendait à  chaque fois avec beaucoup d’enthousiasme. Ses collègues se souviennent de son entrain qui les aidait à surmonter les obstacles en reportage. Pour l’expédition du 25 mars, Javier appréciait de partir avec quelqu’un comme Paúl.

Le but de l’équipe d’El Comercio était de se rendre à Mataje, petit village équatorien situé à quelques pas de la Colombie. Le 20 mars 2018, trois militaires ont trouvé la mort dans cette zone à la suite de l’explosion d’une bombe.  Un quatrième est décédé quelques jours plus tard, dans un hôpital à Quito. Beaucoup de reporters cherchaient alors à se rendre sur le lieu de l’attentat pour échanger avec les témoins et voir comment vit la population. Javier voulait aussi couvrir le déploiement militaire et vérifier les déplacements de population importants dans le village de Mataje évoqués par le journal public El Telégrafo.

 

 

Au journal, c’était l’état d’alerte. Deux jours avant la mission de Javier, un autre groupe de journalistes mené par Fernando Medina rentre de la région frontalière avec des nouvelles inquiétantes. Sur une route, ils ont trouvé un cadavre avec des traces de coups dans l’abdomen. Le corps était gardé par quatre individus farouches qui n’ont répondu à aucune de leurs questions.

Un reportage sur cet événement publié le 24 mars fait état d’ hommes « grands, corpulents, crâne rasé et torses nus ». Dans ce même article, des habitants anonymes disent avoir été menacés par les dissidents des FARC. Ils auraient promis de poser des bombes dans leurs fermes s’ils aidaient les militaires équatoriens. Selon eux, la présence du cadavre était un avertissement.

Ces mêmes personnes ont suggéré aux journalistes de El Comercio de se signaler comme tels afin que les dissidents ne les prennent pas pour des agents de renseignement. L’équipe d’El Comercio a donc fait faire des autocollants « presse » qu’ils ont collé sur la camionnette avant leur déplacement. Selon Carlos Mantilla, directeur d’El Comercio, l’assurance en cas d’accident avait été souscrite « plusieurs semaines auparavant ». Des gilets pare-balles étaient également prévus dès le premier voyage. Ils n’ont cependant été achetés que pour le déplacement du 25 mars.

 

 

Les circonstances de l’arrivée de Javier à Mataje ne sont pas claires. L’accès au village n’était alors autorisé qu’aux habitants et aux membres de la force publique. Ce que l’on sait avec certitude, c’est que Javier et son équipe ont passé le contrôle militaire placé à un kilomètre du village le lundi 26 mars 2018, autour de neuf heures du matin. Selon des documents rendus publics et actuellement en possession de la Commission interaméricaine des droits de l’homme (CIDH), les militaires ont pris des photos de leurs cartes d’identité et les ont laissés passer, probablement en les avertissant qu’ils le faisaient à leurs risques et périls, comme ils l’ont déclaré ensuite au bureau du procureur. Le contre-amiral John Merlo, chef militaire de la zone, a également été appelé à témoigner auprès du procureur pour expliquer comment le journaliste a pu entrer dans le village. Sa déclaration est toujours confidentielle.

Les collègues du journal savaient que Javier Ortega ne voulait pas manquer sa mission. Cettee année, il avait voyagé moins qu’eux à la frontière et avait eu peu de chance au cours de ses reportages. Ce voyage était donc spécial : Ortega était déterminé à se rendre à Mataje. Il avait toutefois demandé l’avis et les conseils de ses collègues de Quito pour chaque étape du trajet. Il avait un temps envisagé de passer par la rivière Mataje, avant d’y renoncer en raison du danger encouru : la rivière est utilisée par les groupes criminels qui y font transiter carburant, ravitaillement et cargaisons de drogue.

 

Une ambiance toxique

Deux jours seulement avant l’arrivée de Javier et de ses deux collègues à Mataje, un reporter du journal public El Telegrafo Christian Torres était lui aussi entré dans le village frontalier. Il avait passé le contrôle militaire en affirmant que le contre-amiral Merlo avait déclaré qu’il n’était pas interdit de traverser. Seule recommandation donnée par les militaires : que Torres retire les plaques d’immatriculation de couleur jaune qui identifient sa camionnette comme un véhicule de l’Etat.

 

 

Torres n’est resté qu’une dizaine de minutes à Mataje. Il a seulement pu échanger avec un vieillard. « Je suis resté pour prendre soin de mes animaux, pour qu’ils puissent manger » a déclaré ce dernier, comme l’écrit Torres dans sa chronique. Torres n’a cependant pas raconté que lui et son équipe ont quitté précipitamment le village car deux hommes à moto se sont dirigés vers eux. Ils semblaient dissimuler des armes.

Aucun journaliste n’échappait alors à l’ambiance hostile des reportages à la frontière. Dans certaines boutiques, on refusait de leur vendre une bouteille d’eau. Les pilotes de bateaux ne voulaient pas les transporter. Certains se sont fait traiter de « crapauds », terme péjoratif désignant habituellement les délateurs.  D’autres ont été avertis par des enfants qu’il fallait arrêter de filmer. C’était clair : les journalistes n’étaient pas les bienvenus. Mais c’est seulement après l’enlèvement et l’assassinat du groupe d’El Comercio, que les membres de la profession ont commencé à évoquer leurs expériences et à prendre la mesure du risque.

Beaucoup de journalistes, de Quito en particulier, sont arrivés à la frontière après l’explosion d’une voiture piégée dans la station de police de San Lorenzo, le 27 janvier 2018. C’était la première fois que quelque chose de cette gravité avait lieu sur le territoire équatorien, et tout le pays souhaitait comprendre ce qui se passait.

Francisco Garces, de la chaîne de télévision Ecuavisa, est arrivé à Mataje le lendemain de l’explosion de la voiture piégée. Il a croisé dans la rue un groupe de personnes en train de boire qui n’ont même pas répondu à son salut. En insistant, il parvient à convaincre quelqu’un de répondre à ses questions. Mais au milieu de l’enregistrement, un jeune s’est approché et a tenté de lui voler sa caméra. Plus tard, plusieurs personnes l’ont encerclé et menacé : « Vous avez cinq minutes pour partir, ou nous ne répondons plus de rien. »

Dans cette ambiance de travail difficile, l’équipe d’El Comercio était l’une de celles qui se sont rendues le plus souvent à la frontière après l’attentat. Javier Ortega et son collègue de la section Sécurité, Fernando Medina, avaient pour mission de raconter tout ce qu’il se passait dans la zone. Ils se relayaient pour suivre le travail des groupes armés. Ils ont par exemple rapporté que certains bijoux se vendaient pour plus de 1400 dollars dans les commerces proches des zones frontalières, et écouté l’anecdote sur les 150 bouteilles de whisky, de tequila et de rhum coûtant entre 180 et 200 dollars bues lors de la fête d’un présumé narcotrafiquant. Au total, ils ont publié plus de 20 reportages sur la situation à la frontière dans les premiers mois de l’année 2018.

 

 

D’après les collègues de Javier, il ne s’est jamais senti intimidé et a toujours fait preuve de bon sens, allant là où les locaux lui indiquaient qu’il serait en sécurité. « Vous pouvez vous aller à Puerto Rico, mais il n’est pas certain qu’ils vous laissent en revenir » lui a dit un jour un habitant de Corriente Larga, un village frontalier avec la Colombie. « Ils ne vous connaissent pas. Peut-être qu’ils vous attacheront le temps de vérifier qui vous êtes », lui a lâché une autre habitante.

Tous ces témoignages font partie d’un reportage publié le 25 février dans lequel Javier évoque les trois groupes armés présents de l’autre côté de la frontière : le Clan Golfo, les Guerrillas Unies du Pacifique et le Front Olvier Sinesterra. C’est ce dernier groupe qui l’enlèvera un mois plus tard, jour pour jour.

 

Les carnets de Javier

Dans la trentaine de carnets de Javier que le journal a remis à son père, on devine un journaliste méticuleux : toutes les informations nécessaires à ses reportages y sont soigneusement consignées, et il avait l’habitude de dresser une liste des sources à interroger. Il écrivait également des questions : celles qu’il allait poser à ses interlocuteurs, ou celles qui constituaient l’axe de ses reportages.

Dans un de ses carnets, où figurent les notes qu’il a prises en septembre 2016 durant la dixième conférence des FARC, il parle de la reddition de la guérilla et écrit sur une feuille volante : « Une recrudescence de la violence est-elle possible ?  »

Deux ans plus tard, il fait partie de la réponse.

 

Les carnets de Javier contiennent des notes sur le narcotrafic, sur la construction des sous-marins à destination des cartels dans le village de Palma Real, sur les embarcations à double fond pour charger de la cocaïne, sur les expéditions qui sortent la nuit équipées de GPS, sur les pêcheurs qui font les « guetteurs » et ceux qui donnent l’alerte. Une bonne partie de ces informations ont été publiées deux semaines avant son enlèvement, à l’occasion d’un article sur la drogue cachée sur les plages équatoriennes, sur les embarcations rapides qui passent la nuit récupérer les chargements, et sur le rôle de certains habitants de la frontière qui informent les groupes illégaux.

Une des personnes interviewées lui a expliqué : « ils paient un million de pesos (350 dollars) pour être prévenus si quelqu’un arrive ou si quelqu’un les dénonce. Ils doivent même être au courant que vous êtes ici. »

Javier avait également des informations sur les cartels mexicains. Fin février, il rapportait sur Facebook Live les activités du Cartel de Sinaloa de Mexico, qui, selon lui, « s’introduit dans le Nariño (Colombie) ». « Certains délégués du cartel pourraient être en train d’opérer dans les zones frontalières équatoriennes », ajoutait-il.

Mais Javier était surtout sur le point de révéler un scoop : des échanges secrets entre la Police de l’Équateur et les dissidents des FARC.

 

Une discussion secrète

Notre collectif de journalistes a confirmé que le journaliste équatorien a été alerté par une de ses sources de l’existence de discussions entre le commandant Alejandfro Zaldumbide – aujourd’hui impliqué dans plusieurs affaires en lien avec l’enlèvement et la mort des trois journalistes – et des membres du Front Olivier Sinisterra.

 

 

Après son déplacement, il avait prévu de suivre cette piste et de raconter cette histoire qui met en évidence les menaces qui planent sur la frontière et les civils qui y vivent. Ses collègues de travail étaient au courant de l’existence de ces communications secrètes, mais ignoraient leur contenu.

C’est ce que nous a confié l’un d’entre eux, qui préfère rester anonyme, au moment du premier communiqué du Front Oliver Sinisterra publié le 11 avril et confirmant l’assassinat de l’équipe de El Comercio. Ce document, signé dans les montagnes colombiennes, révélait alors que « cela fai[sait] deux mois que le Front dialogu[ait] par téléphone »  avec un représentant du Ministère de l’Intérieur.

Notre collectif de journalistes a en effet pu vérifier que les communications entre la Police équatorienne et les dissidents colombiens avaient commencé presque deux mois avant l’assassinat des journalistes.

Le commandant Alejandro Zaldumbide, en poste à la frontière depuis 2016, a reçu le premier appel des dissidents le 20 février depuis un numéro de téléphone équatorien. Une voix d’homme à l’accent colombien, qui se présentait comme un membre des FARC, lui demandait le retrait immédiat des Forces Armée de l’Equateur de la frontière.

Quelques jours après ce premier contact, le fonctionnaire a été autorisé par le sous-directeur général des renseignements, Mauro Vargas, à communiquer et à gagner du temps. Dans au moins 18 pièces versées au dossier judiciaire, Zaldumbide détaille les messages qu’il a échangés avec les dissidents entre février et avril.

 

 

Dans certains de ces messages, il échangeait avec un milicien identifié comme Andrés Sinisterra. Dans d’autres, l’interlocuteur était prétendument El Guacho. A plusieurs reprises, les dissidents ont demandé la libération de trois hommes faits prisonniers à Mataje le 12 janvier, ainsi que le retrait de l’Equateur des accords de lutte contre le terrorisme signés avec la Colombie. Le commandant Zaldumbide leur plusieurs fois a proposé de parler avec ses supérieurs et leur a également promis de demander à un délégué du gouvernement d’organiser une rencontre, mais celle-ci n’a jamais eu lieu. Les semaines passant, les tensions sont devenues plus fortes.

 

Le ton des messages échangés en mars, quelques semaines avant l’enlèvement de Javier est à chaque fois plus menaçant. Les dissidents FARC menacent d’attaquer des civils à la frontière. La perquisition chez la mère d’El Guacho, survenue le 16 mars, a rendu ce dernier nerveux. « Pour chaque objet, aussi minime soit -il, volé à ma famille, je vais donner un ordre d’attaque », affirme-t-il dans un message chargé d’insultes et de fautes d’orthographe (ce texte a été corrigé pour faciliter la compréhension du message). « Je suis en train de perdre patience. Si je capture des civils à la frontière, je les tue. »

Zaldumbide lui a promis d’organiser la réunion, sans garantir de résultat. Les menaces ont continué. El Guacho, ou celui qui parlait pour lui, annonce alors les attaques qu’il prévoit. Quelques jours avant l’enlèvement de Javier, Paúl et Efraín, les services de renseignement de la police savaient que les civils étaient dans le viseur d’El Guacho. Les policiers savaient également, selon un rapport des renseignements datant de février, qu’El Guacho avait deux maisons de repos dans le village de Mataje. Cette information n’a pas transmise aux journalistes qui se sont aventurés dans le village.

Le 26 mars vers 5h du soir, le commandant Zaldumbide estle premier représentant des autorités à apprendre l’enlèvement, via cette discussion secrète. Soit exactement par le canal de communication sur lequel enquêtait Javier. Nous avons corrigé les fautes d’orthographe pour aider à la compréhension : « Bonjour. Bonjour. Tu ne vas jamais croire ce que je te dis. J’ai 3 personnes en otage. 2 journalistes de Quito et un chauffeur. Leurs vies sont entre vos mains.  « Bonjour. Bonjour. Tu n’a rien à répondre ? Réponds-moi dans les 10 minutes ou ces messieurs vont disparaître ». Une photo des trois membres de l’équipe d’El Comercio accompagne le message.

 

 

Un peu plus tard, un autre canal de communication est ouvert sur demande de l’Unité Anti-enlèvements de l’Equateur. Le destinataire des messages est cette fois un fonctionnaire du Ministère de l’Intérieur, Carlos Maldonado. L’ouverture de ce canal s’est faite après avoir tenté d’élaborer un scénario de sortie de crise, qui sera finalement un échec. Le commandant Zaldumbide, qui a cessé de correspondre avec les dissidents, reçoit un dernier message le 15 avril. Ce dernier confirme un autre enlèvement : celui d’Oscar Villacis et de Katty Velasco, un couple de commerçants. Comme Javier, Paúl et Efraín, ils seront assassinés dans la jungle, près de la frontière. Trois jours plus tard, le commandant de police remet son téléphone aux autorités judiciaires.

 

 

Six mois après l’assassinat des trois journalistes, les zones d’ombre sont nombreuses. Une des hypothèses du procureur équatorien est que Javier se serait rendu en Colombie pour interviewer El Guacho. Cependant, El Comercio rejette cette affirmation et attend le rapport final de l’enquête.

César Navas, ministre de l’Intérieur au moment des faits et responsable du comité de crise créé à la suite de l’enlèvement, a déclaré, dans un entretien à plan V publié le 28 mai 2018, ne pas connaître les détails des échanges entre le commandant Zaldumbide et El Guacho. Le commandant et son supérieur, l’ancien chef du renseignement Pablo Aguirre, ont été relevés de leurs fonctions et convoqués par l’Assemblée Nationale pour s’expliquer sur ces communications.

En attendant, les familles des trois journalistes se raccrochent au peu d’informations livrées par le gouvernement et aux quelques objets recueillis auprès des corps. Ils suivent de près l’enquête menée par le procureur et la CIDH, qui recueille actuellement des informations en Équateur et en Colombie. On ne leur a toujours pas remis les effets personnels retrouvés dans la camionnette abandonnée à Mataje, soit presque l’intégralité l’équipement photo de Paúl Rivas (objectifs, batteries, ordinateur) et les documents du conducteur Efraín Segarra. Ils n’ont pas non plus pu récupérer les vêtements laissés par les trois hommes à leur hôtel à San Lorenzo.

Le père de Javier affirme qu’il n’avait pas d’enregistreur ; il enregistrait tout sur son téléphone, acheté 15 jours avant le voyage. Il avait aussi un bloc-notes dans son sac noir qu’il emmenait partout. Aucun de ces objets n’a été retrouvé. De sa dernière mission, il ne reste que sa carte de presse.