« Ne pensez pas qu’ils peuvent mettre fin à ces enquêtes en nous arrêtant un par un »

Coordonnés par Forbidden Stories, 40 journalistes de 15 médias poursuivent le travail de leurs confrères arrêtés en Azerbaïdjan. Corruption, pollution, droits de l’homme… Aujourd’hui derrière les barreaux, les journalistes d’Abzas Media étaient parmi les derniers dans le pays à enquêter sur les dérives du puissant régime Aliyev.

« La vérité est subtile, mais elle n’est pas malveillante. »

Depuis sa cellule, où il est enfermé depuis le 20 novembre 2023, Ulvi Hasanli est parvenu à faire passer un message la veille du Nouvel An. Il conclut sa lettre par cette citation inspirée des mots d’Einstein (« Dieu est subtil, mais il n’est pas malveillant ») pour rappeler le principe déontologique au cœur de son projet journalistique.

Ulvi Hasanli croyait au journalisme indépendant et exigeant. Avec Abzas Media, qu’il a co-fondé en 2016 et qu’il dirigeait jusqu’à son arrestation, il était parvenu à publier de nombreuses enquêtes sur la corruption au plus haut niveau ou les violations des droits de l’homme dans son pays. Des publications perçues comme autant de provocations par les autorités de son pays où les médias indépendants sont rares et soumis à des pressions permanentes.

Aujourd’hui, 5 autres membres de son équipe sont également en prison, dont Sevinc Vaqifqizi, la rédactrice en chef. Officiellement, tous sont accusés de trafic de devises étrangères, ce qui pourrait leur valoir jusqu’à 8 ans d’enfermement. Après les journalistes, cette vague répressive a ciblé opposants et activistes, alors qu’une élection présidentielle anticipée doit se tenir le 7 février prochain.

Dès le lendemain des premières arrestations et à la demande des journalistes d’Abzas, Forbidden Stories et ses partenaires ont annoncé reprendre les enquêtes inachevées de leurs confrères azerbaidjanais. Une annonce qui fait suite à l’appel lancé par la rédactrice en chef, quelques heures avant son arrestation, comme un défi au pouvoir en place. « Qu’ils ne s’imaginent pas pouvoir mettre fin à ces enquêtes en nous arrêtant individuellement. »

Pendant plus de 2 mois, 40 journalistes de 15 médias, coordonnées par Forbidden Stories, ont ainsi poursuivi le travail d’Abzas sur la torture dans les prisons azerbaïdjanaise et l’impact environnemental d’une mine d’or que la population locale accuse de pollution et suspecte être à l’origine de nombreuses maladies.

Avec le projet « Baku Connection », le consortium révèle aujourd’hui comment de l’argent européen a financé les geôles azerbaidjanaises, où la torture est pourtant toujours de mise et largement documentée. Avec l’enquête sur la mine de Gedabek du groupe Anglo Asia Mining qui avait déjà valu à Abzas de nombreuses intimidations, Forbidden Stories et ses partenaires ont suivi la trace de l’or azerbaidjanais jusqu’aux plus grandes multinationales de la Silicon Valley.

Les partenaires du projet « Baku Connection » : France 24, RFI, OCCRP, Paper Trail Media, The Guardian, RTS, IRPI, Le Monde, Radio France, Knack, Le Soir, NRC, ZDF, Der Standard.